Transcription, traduction et résumé du podcast « LOVE ENGLAND » mené par Jackie Bird, le 16 juin 2023 : « Diana Gabaldon : Inside the story of Outlander » (« Dans les coulisses de l’histoire d’Outlander »)
Où il est question de processus créatif, de gaélique, de grève des scénaristes, de l’impact d’Outlander en Ecosse, de la routine de travail de Diana….
Ce texte vous est proposé par Brigitte Blanc. Il est une synthèse fidèle et très complète du podcast que vous pouvez écouter ici : Podcast Love Scotland.
Conversation entre Diana Gabaldon et Jackie Bird pour le podcast Love Scotland
Beaucoup de réponses que nous connaissons déjà, maintes fois lues et entendues, mais… Une journaliste de qualité qui pose de bonnes et intéressantes questions, et les réponses toujours empreintes d’humour de Diana.
Tout cela pendant plus de 40 minutes à… 2 heures du matin, heure de l’Arizona !
Vous vous souvenez : Diana est une « night owl » (oiseau de nuit), comme Ian et Claire dans l’épisode « Lallybroch », saison 1.
Il s’agit donc ici de rapporter quelques éléments et remarques toujours pertinents de Diana.
————————————————————————
Dans une longue présentation, Jackie Bird (JB) rappelle que son podcast est un hymne à l’Ecosse puis présente Diana Gabaldon (DG) en soulignant combien Outlander est un véritable phénomène qui a boosté le tourisme et renforcé l’intérêt pour l’Ecosse depuis une dizaine d’années. Elle cite quelques-uns des sites historiques utilisés dans la série.
JB lui raconte une anecdote personnelle : elle était en vacances au Portugal lorsqu’une femme à qui elle demandait son chemin a entendu son accent et s’est écriée : « Outlander ! Outlander ! » Elle semble être devenue hystérique quand Jackie lui a montré un selfie d’elle -même en compagnie de Sam Heughan…
Jacquie dit combien cela lui a permis de mieux appréhender ce phénomène insensé que représente Outlander.
Diana Gabaldon écrit la nuit et cela ne perturbe pas l’ambiance familiale
Diana explique qu’elle est effectivement un oiseau de nuit, et ce, depuis plusieurs décennies.
Lorsqu’elle a commencé le premier tome, elle cumulait à l’époque 2 jobs, son rôle de mère de 3 enfants de moins de 3 ans et ses débuts de romancière. Son mari démarrait à l’époque sa propre affaire et Diana était par conséquent le support financier de la famille. Elle n’avait pas, à cette époque, révélé à son mari qu’elle commençait l’écriture de son roman, car il lui aurait demandé d’arrêter immédiatement …
Ils ont trouvé dès ce moment leur propre logistique familiale, son mari gérant les enfants au lever et au petit déjeuner, Diana prenant le relais pour les emmener à l’école et au retour à la maison dans l’après-midi.
Quelques années plus tard, avec le succès de ses livres (puisqu’elle avait décroché un contrat de 3 tomes à écrire auprès de sa maison d’édition) et le succès de l’entreprise de son mari, elle a abandonné son travail à l’université et a pu se consacrer plus sereinement à son écriture.
Ils sont mariés depuis 51 ans maintenant et Diana répond avec humour qu’elle connait assez bien son mari et que malgré leurs différences de rythme au quotidien (puisque son mari est »a morning lark », donc une alouette du matin) elle-même n’est pas trop difficile à gérer… !
Diana Gabaldon ne peut pas écrire de scénario pour le moment
Diana rajoute qu’en ce moment, elle travaille sur le tome 10 et sur le prequel des parents de Jamie, mais elle n’a absolument pas le droit d’écrire quoique ce soit en lien avec la série, puisqu’il y a depuis plusieurs semaines une grève des scénaristes (et Diana a également un statut de scénariste sur le show). Aux USA, tous les scénaristes doivent suivre le mouvement ; il est donc strictement interdit, sous peine de lourdes pénalités, d’enfreindre cette interdiction.
La genèse du premier roman Outlander
Elle rappelle ensuite (ce que nous savons déjà) comment elle commencé à écrire ce premier livre-test, et comment ses recherches sont alors (puisqu’internet est alors inexistant ou balbutiant) presqu’essentiellement livresques, fondées sur sa méthodologie de recherche universitaire. Le genre qui lui paraissait alors le plus simple à expérimenter était le roman historique, puisqu’elle savait comment mener et organiser les recherches de par sa formation universitaire de très haut niveau.
C’est pourquoi son mari Doug lui avait offert (il y a une vingtaine d’années) une bibliothèque aujourd’hui surchargée de plus de 2000 de livres sur l’Ecosse.
Elle évoque aussi l’anecdote du Doctor Who (que nous connaissons).
Ce qui est déterminant pour elle est qu’elle a désormais le lieu (où ?) et l’époque, (quand) ? ainsi que le cadre social (qui ?) et les personnages : Highlanders.
Elle pense aussi à son héroïne qui doit être une femme du monde de la médecine (mais pas trop spécialisée), donc infirmière de guerre (encore les batailles …)
Ce à quoi elle pense : cette infirmière de guerre se retrouve dans une ferme remplie de Highlanders et voyons ce qui se passe, ce qu’elle va faire. Bien entendu, c’est une femme moderne, qui pense moderne, qui parle moderne. Donc… voyons ce qui va se passer.
Ce que Diana ne voulait pas, c’était une femme qui, si elle avait peur, ne saurait que hurler et s’enfuir… Elle voulait que son héroïne soit capable de retomber sur ses pieds, faire face et assumer, sache quoi faire en gardant son sang-froid, en gérant les maux du 18ème siècle avec ses connaissances médicales, mais en les adaptant au lieu de se lamenter, Oh Mon Dieu… Sur le fait qu’elle ne pourrait pas utiliser d’IRM ou d’antibiotiques. C’est en cela que son expérience pendant la 2ème guerre mondiale s’avérait cruciale.
Dans quelle catégorie ranger les romans de la saga Outlander ?
Diana pointe aussi avec humour que les livres ont été catalogués dans les genres « romans à l’eau de rose », « horreur », « fiction », « policier », « science-fiction » et même « histoire militaire » (ce dernier genre semblant particulièrement lui plaire !)
Elle mentionne également la remarque d’un fondamentaliste chrétien l’ayant traitée de « semence du diable » !
Dans quel ordre lire les livres Outlander et les Lord John Grey ?
D’où vient l’inspiration ? Comment écrit-elle ?
Elle rappelle également quelques éléments de sa technique d’écriture : de nombreux points nous sont déjà bien connus, mais elle insiste sur le fait qu’elle n’écrit absolument pas en linéaire. Nous savons déjà qu’elle rédige plusieurs livres en même temps.
Elle n’écrit donc pas avec un but précis en tête, ni de manière chronologique.
C’est une conversation, une lecture, un récit, une photo ou un tableau… qui sont les sources d’inspiration préférées de Diana.
L’Ecosse et le gaélique au coeur de Outlander et pourtant …
Elle explique également à JB qu’elle ne s’est pas rendue en Ecosse pour écrire Outlander, (tome 1), puisqu’elle ne pensait écrire qu’un livre sur le sujet…mais qu’elle a compulsé des tonnes d’ouvrages, dont les livres médicaux et les récits de batailles, 2 genres dont elle raffole en particulier (ce qu’on peut vérifier dans les différents tomes ! Mais Diana a aussi enseigné l’anatomie, la physiologie et travaillé sur l’herbologie, les médicaments…)
Diana ajoute que cela ne l’a pas empêché de respecter au mieux les éléments historiques.
Comment faire pour le gaélique ? Pas d’internet et peu d’endroits où trouver des ouvrages et dictionnaires en Arizona en 1988… Elle a alors contacté une librairie à Boston qui lui a immédiatement répondu (par téléphone…) : quelle forme de gaélique ? Irlandais ou Ecossais ?
Un bon point, selon Diana.
Elle rappelle cette anecdote vécue lors de la parution du tome 3, lorsqu’un gentleman écossais la contacte pour la féliciter, soulignant la grande précision et la véracité historique de ses livres ; seul bémol : le gaélique est trop académique, tiré de dictionnaires et ne correspond pas vraiment à l’usage des natifs.
Il est donc devenu son conseiller linguistique jusqu’au tome 6 !
Diana l raconte sa profonde émotion en découvrant l’Ecosse pour la première fois, et en particulier le site de la bataille de Culloden.
Outlander, du roman à la série
JB demande à Diana si Jamie et Claire vivent dans son cerveau comme dans un monde parallèle, ce qui est une sorte d’introduction pour parler de la série.
JB demande à Diana si elle a participé au casting des acteurs : non, bien entendu.
Elle explique qu’elle n’y connait rien, mais qu’elle attendait des nouvelles avec impatience. Diana Gabaldon rappelle que Jamie incarné par Sam Heughan, que l’on pensait être le personnage le plus difficile à trouver, a été le premier acteur auditionné et choisi. Elle décrit l’enthousiasme des producteurs qui lui ont envoyé les essais de Sam, puis elle l’a rencontré et elle est tombée sous le charme.
Puis rappel des circonstances dans lesquelles Caitriona a été choisie (ce que nous connaissons déjà). Diana rappelle que l’essai initial de Cait a été « revisionné » par chacun des producteurs séparément et unanimement choisi par eux.
L’élément final ayant été l’essai commun particulièrement réussi entre Sam et Cait…
Les vidéos des auditions de Sam Heughan et Caitriona Balfe dans Outlander
L’adaptation télé et la saison 7 d’Outlander
Diana évoque ensuite le sujet de la frustration face aux choix des scénaristes et producteurs dans les coupes et/ou réadaptations de scènes ou parfois chapitres entiers des livres. Elle semble l’accepter plutôt bien, d’autant plus qu’elle est étroitement associée au processus, que les producteurs lui demandent son avis préalablement sur certains points, lui envoient les scripts, puis les rushes chaque jour, ainsi que les épisodes tournés.
Diana a vu toute la saison 7 et dit, forcément, qu’elle l’a beaucoup aimée, en particulier les scènes de batailles qu’elle affectionne tant ! Elle ajoute que son épisode préféré est le 8 avec la première Bataille de Saratoga (précieuse indication du cliffhanger de la mi-saison ?)
Elle est très admirative du travail fait sur les 16 épisodes, très impressionnant.
Diana confirme que la saison 8 est signée (et qu’elle y participera donc) suivie par le prequel sur les parents de Jamie (et le soulèvement de 1715, très important pour l’âme guerrière de Diana !)
JB lui demande si ce n’est pas trop de pression face aux fans qui sont parfois très mécontents des choix des producteurs face aux changements par rapports aux livres. Mais cela semble laisser Diana Gabaldon plutôt imperturbable…
Diana est fascinée par le processus créatif puis exécutif de la série. Elle admire beaucoup la capacité des showrunners à condenser presque 1 million de mots en 8 épisodes, à construire un ou plusieurs arcs narratifs de manière plausible, comment ils écrivent et réécrivent les scénarios 7, 8 ou parfois 9 fois, même pendant le tournage.
Elle exprime également son admiration pour les équipes de tournage et les acteurs (en particulier en raison du temps écossais…), leur adaptabilité, leur professionnalisme…
Le dynamisme du tourisme écossais, boosté par Outlander
JB aborde ensuite le phénomène Outlander en Ecosse et ses retombées touristiques : elle dit d’ailleurs avec humour que les Ecossais doivent se lever le matin et remercier les étoiles que Diana existe, car depuis la parution du tome 1, et dans les dernières années, le tourisme a explosé en Ecosse : + 72% ! Soit plus de 5 millions de touristes dans les années récentes, dont les lieux de tournage de la série.
JB mentionne en forme de clin d’œil Preston Mill (épisode 12 : Lallybroch, saison 1) comme lieu de pèlerinage car on y a vu Jamie nu dans le ruisseau… Ce qui a permis de collecter assez d’argent pour restaurer le moulin !
Diana Gabaldon lui répond que bien entendu, elle en est ravie, qu’elle admire ce pays, que l’effet Outlander est pour elle fantastique, et que passer du temps en Ecosse lui a permis de mieux comprendre l’esprit écossais. Mieux comprendre la langue en comprenant mieux les gens, et ne pas se contenter de leur demander un café ou la route, mais comprendre les gens.
Le tome 10 sera-t-il le dernier livre Outlander ?
Vient ensuite la question inévitable sur le tome 10 : « est-ce votre dernier tome » ?
Réponse habituelle de Diana : elle a 71 ans et aimerait bien finir cette histoire, on ne sait jamais… Oui, elle a écrit la fin depuis longtemps mais on ne sait jamais…
Diana rappelle qu’elle passe énormément de temps dans les recherches sur les batailles et faits historiques, la santé et les remèdes, la vie quotidienne…. Autant d’éléments dont la véracité historique doit être totale. Elle dit notamment que pour les batailles (cf Yorktown, ce sera dans le 10 car la bataille a eu lieu en 1781), elle doit connaitre toute la stratégie et les tactiques, qui était présent, ce qui s’est exactement passé, le contexte politique…
Ceci explique aussi le temps nécessaire à la rédaction de chaque livre (Diana rappelle qu’avec les obligations liées à la parution de chaque livre, mais également de chaque saison de la série, elle passe énormément de temps hors de chez elle, et donc beaucoup moins de temps consacré à l’écriture).
Il lui faut donc 3 à 4 ans pour ce qu’elle appelle « ses pavés », moins pour les nouvelles.
Diana s’astreint à écrire au moins 1000 mots par jour, en principe 5 jours par semaine, ce à quoi il faut rajouter les réseaux sociaux (qu’elle n’avait pas au début de sa carrière), et les sites de lecture et d’écriture…
Le mot de la fin
Dernière question de JB : « Entre le succès phénoménal des livres, de la série, de l’enthousiasme des fans et des touristes, de quoi êtes-vous la plus fière ? »
Diana : « le fait que tant de gens aiment mes livres ».
Un grand merci pour cette traduction très intéressante. Une bonne nouvelle: la grève des scénariste lui laissera du temps pour avancer dans le T.10? 🙂Qui sait? Il faudra ensuite mettre les bouchées doubles pour la S.8 car celle-ci sera très attendue… que nous réservent les scénaristes???
Je déplore tout à fait la remarque des fondamentalistes religieux… pas de changement depuis le XVIIIe siècle, à croire que ce sont des voyageurs dans le temps qui veulent nous ramener dans les temps obscurs de l’intolérance. Ils se sentent visés à ce point pour en arriver à stigmatiser ces romans? Preuve que Diana Gabaldon en effet se documente bien aussi sur ce sujet et vise juste… continuons à la soutenir ne serait ce que pour cette raison!